Responsable de l'axe 2 : Philippe Eynaud (IAE de Paris)

Objectifs

Objectifs

Les coopératives financières ont non seulement des modes de gouvernance spécifiques mais aussi des objectifs qui les amènent à avoir un regard particulier sur leurs territoires d'intervention. L'objet de la recherche est de comprendre et d'identifier les mécanismes de création de valeur sociale en lien avec l'activité des coopératives financières. Un intérêt complémentaire de cette recherche portera sur les méthodes d'évaluation et de mesure de cette valeur sociale. Cela permettra de développer une approche plurielle des questions relatives à la performance des coopératives financières.

Projet 1 - La valeur sociale des coopératives financières

Projet 1 : La valeur sociale des coopératives financières

Porteur : Philippe Eynaud (IAE de Paris) / Damien Mourey (IAE de Paris)

Double performance, production chiffrée et découplage stratégique

Par rapport au secteur financier dominant, les banques coopératives développent un modèle spécifique caractérisé par un fort ancrage territorial, une base de clients essentiellement composée de petites et moyennes entreprises locales et une orientation socialement responsable perceptible dans les modes et les choix de financement. Dans ce contexte, se pose la question d’une forme d’évaluation ouverte au concept de création de valeur sociale. Au delà d’une stricte évaluation monétaire de l’activité de financement (risque et rentabilité) se profile ainsi la nécessité de prendre en compte d’autres dimensions de la performance notamment la valeur sociale de long terme créée au niveau d’un territoire par l’action des banques coopératives. Ce sont là des logiques complexes qui supposent la prise en compte d’un grand nombre de facteurs et la compréhension des dynamiques de développement sur le plan local. Les valeurs portées par les banques coopératives ainsi que la recherche d’une double création d’une valeur économique et sociale constitue le cadre analytique permettant d’évaluer la performance des banques coopératives. Plus précisément, il ne s’agit pas d’opposer l’une à l’autre mais de comprendre en quoi l’action de long terme des banques coopératives au niveau d’un territoire permet de délivrer l’une et l’autre. Toutefois, la mesure et l’évaluation de cette double performance économique et sociale n’a rien d’évident comme le souligne les travaux existant sur ces sujets.

Les banques coopératives par leurs décisions et leurs actions de financement peuvent être considérées comme des acteurs centraux au sein de chaînes de coopération plus vastes permettant de maintenir et développer l’activité économique au sein d’un territoire. La mesure de l’impact socio-économique de long terme de leurs actions au sein d’un territoire constituera l’objet de cette recherche. De nombreuses méthodes d’évaluation et de reporting ont été proposées dans des travaux de recherche pour mieux prendre en compte la valeur sociale créée par les organisations : le retour sur investissement social, the Global Reporting Initiative (GRI), the blended value accounting constituent des exemples non exhaustifs de ces nouvelles approches de mesure de la performance. En particulier, les entreprises sociales de revendiquant d’une démarche d’entrepreneuriat social sont en pointe dans ce domaine et sont activement engagées dans la mesure d’impact social. Elles s’illustrent par une grande habileté dans l’utilisation des méthodes de comptabilité et de reporting. Elles les combinent de façon innovante afin de produire des représentations chiffrées de leur double performance financière et sociale (Nicholls, 2009). Ces travaux montrent également la très grande liberté avec laquelle les acteurs des entreprises sociales définissent quoi mesurer, comment le mesurer et comment le communiquer.

L’absence à ce jour d’un processus de normalisation et d’audit de la mesure de l’impact social (Armstrong, 2006) explique en partie le degré de discrétion important dont bénéficient les acteurs de la démarche d’évaluation. A cela s’ajoutent les difficultés spécifiques au secteur de l’ESS : la recherche d’indicateurs globaux (incluant objectifs sociaux, impacts sociétaux, bénéfices collectifs, etc.) est difficile (Forbes, 1998) et nécessite des arbitrages. De même, la variété et la non hiérarchisation a priori des parties prenantes - administrateurs, financeurs publics et privés, bénévoles, dirigeants, salariés, fondations, usagers, public - impliquent une diversité d’opinions sur les objectifs poursuivis et leur hiérarchisation qui rend la mesure délicate. Derrière cette diversité d’acteurs se cachent une multiplicité d’intérêts et des enjeux pluriels en matière de production de chiffres et de représentations de l’impact social. Des chercheurs ont pointé le risque possible d’un « découplage » important associé aux démarches de mesure de l’impact social (Arvidson & Lyon, 2013). Le concept de « découplage » renvoie à une vision néo-institutionnaliste des outils de gestion – ici l’impact social – qui considère que l’environnement extérieur exerce des pressions sur les organisations auxquelles ses dernières doivent se conformer pour survivre (Meyer et Rowan, 1977 ; DiMaggio & Powell, 1983). Toutefois, ce ne sont pas les dimensions technique ou économique de l’environnement - avec la contrainte d’efficience qu’elles impliquent - qui constituent la force principale à laquelle les organisations doivent s’adapter, mais les dimensions culturelle et symbolique de l’environnement qui imposent une contrainte de légitimité. L’adoption de règles et de procédures rationnelles par les organisations qui forment en partie leur structure formelle s’explique par le besoin de se conformer à la norme. Dans le champ des recherches en comptabilité, il a été argumenté que le « découplage » est sans doute possible mais d’un degré limité en raison de l’existence de normes comptables et des enjeux juridiques liés à la production de l’information comptable (Carruthers, 1995). Dans le cadre de la mesure de l’impact social, des auteurs soulignent en revanche que le degré de « découplage » éventuel est plus élevé que pour ce qui concerne la comptabilité générale. Les raisons en sont l’absence d’un processus de normalisation comptable, l’impossibilité de réaliser des comparaisons entre les différentes mesures d’impact social (qui sont spécifiques à chaque entreprise sociale), et l’asymétrie d’information entre les financeurs et les acteurs de l’entreprise sociale.

Les organisations de l’ESS sont soumises à des pressions de plus en plus fortes de leur environnement institutionnel pour rendre compte de leur impact social, mesurer et évaluer leur performance. Les réponses apportées par les organisations de l’ESS aux pressions d’accountability sont cependant très différentes (Arvidson & Lyon, 2013). Ces auteurs dénombrent trois types de réponse observées à la demande de mesure de l’impact social : la conformité, la résistance et la promotion. La conformité implique l’acceptation et l’internalisation des nouvelles normes imposées par des acteurs institutionnels comme les financeurs ou les pouvoirs publics. La résistance signifie à terme le rejet de cette demande. Ceci est sans doute possible lorsque l’organisation est indépendante financièrement et/ou dispose d’un contrôle sur les ressources qui lui sont nécessaires pour mener son projet. La troisième réponse est plus nuancée car elle se manifeste d’abord par une résistance puis par une acceptation à se conformer à la demande de mesure d’impact social. Toutefois, cette acceptation forcée peut évoluer vers une acceptation véritable lorsque les acteurs de l’organisation prennent conscience de la flexibilité et de la plasticité avec lesquelles cette mesure de l’impact social peut être menée. Les auteurs parlent d’un « découplage stratégique » lorsque ces chiffres sont utilisés symboliquement et de manière volontariste comme des éléments de légitimation de l’action (Arvidson & Lyon, 2013). De ce point de vue, la mesure de l’impact social est un moyen de se démarquer face à la concurrence émanant d’autres organisations en vue de l’obtention de financements. Cela n’exclut pas d’ailleurs que la mesure de l’impact social puisse également être utilisée en interne pour susciter une réflexivité collective sur l’action collective conjointe et favoriser le développement de la performance opérationnelle.

Les objectifs de la recherche

Pour justifier la spécificité de leur modèle de développement, les banques coopératives sont également amenées à engager une démarche d’évaluation de leur impact socio-économique. Comment appréhender cette démarche d’évaluation au sein du secteur des banques coopératives ? L’objet de la recherche sera de tester des modèles d’évaluation de la création de valeur sociale existant dans la littérature et d’en analyser la pertinence sur des territoires précis. La méthodologie déployée sera donc celle d’analyse de cas avec une approche qualitative. Ces objectifs sont calés sur une dizaine d’études de cas auprès d’entreprises financées par des banques coopératives.

Les livrables envisagés

Les travaux réalisés dans le cadre de ce projet de recherche seront présentés à titre d’étape dans des congrès à comité de lecture. Nous envisageons notamment une présentation à la conférence internationale Egos et une autre à la conférence française Aims.

Les travaux finalisés seront proposés en publication dans des revues académiques. Plusieurs d’entre elles sont en rapport avec la thématique suivie. Plusieurs revues pourraient être intéressée par cet axe de recherche :

  • Business Ethics: a european review
  • Business and Society
  • Journal of Small Business and Enterprise Development
  • Voluntas
  • Nonprofit Quaterly

Projet 2 - Analyse comparée de l’efficience sociale dans les coopératives de crédit

Projet 2 : Analyse comparée de l’efficience sociale dans les coopératives de crédit

Porteur : Leire San Jose (Université de Bilbao) / Jose Luis Retolaza (Deusto)

Descriptif :

Évaluer les différences en matière d’efficience sociale entre les banques coopératives et les banques conventionnelles en Europe.

Objectifs :

Proposer un modèle qui permettra de quantifier l’efficience sociale des entreprises financières
Classer les entreprises financières en fonction de leur efficience sociale
Évaluer si les coopératives financières sont plus efficaces socialement que les autres types d’entreprises financières
Analyser les variables qui influencent l’efficience sociale des entités financières.

Thèse en cours

Thèse en cours : Mariam Konate

Thème :

L’approche de la valeur sociale dans les coopératives financières

Sous la direction de :

Philippe Eynaud et Damien Mourey

Problématique :

  • L’objet de notre thèse est d’approcher la création de valeur sociale par les coopératives financières.
  • Nous cherchons à comprendre comment les coopératives financières qui s’identifient comme étant créatrices de valeur sociale mesurent cette valeur créée ? Avec quels outils ? Ces outils sont-ils extensibles/ applicables à d’autres coopératives financières ? Si la valeur sociale existe et qu’elle est mesurée, comment est-elle appréhendée au niveau d’un territoire ?

Objectifs :

  • La finalité de notre thèse est de pouvoir mieux connaitre l’environnement des coopératives financières françaises et de mieux approcher les mécanismes de création de valeur sociale qu’elles génèrent grâce à leurs activités.
  • Nos travaux permettront d’approcher les synergies en termes de création de valeur sociale entre les coopératives financières et des acteurs locaux. Ainsi, après avoir repéré des acteurs locaux sur les territoires, nous chercherons à voir dans quelle mesure une évaluation partagée de la création de valeur sociale peut être envisagée autour (et à partir) des projets financés par les coopératives